L'électeur est-il devenu rationnel ?

Certains politologues remettent en cause les fondements de l'analyse sociologique du vote. Ainsi, Alain Lancelot et Philippe Habert (1) estiment que l'on assiste à la naissance d'un nouvel électeur, rationnel et intéressé par la politique, mais fixant son vote selon les programmes et les enjeux concrets, sur le modèle de l'homo economicus de la théorie classique.

 

Ils s'appuient dans cette analyse sur l'existence d'un électorat flottant et très politisé : 10 % des électeurs ont changé de camp politique entre les législatives de 1986, les présidentielles de 1988 et les législatives qui ont suivi. Un dixième de l'électorat peut sembler une faible proportion, mais il s'agit d'une période courte de la vie politique et elle peut suffire à faire basculer le pouvoir.

 

L'électeur français serait-il en pleine mutation vers le rationalisme ? A voir. D'abord parce que la volatilité de l'électorat a toujours existé, mais surtout parce qu'elle peut aussi s'expliquer, sociologiquement, par des difficultés d'intégration liées aux problèmes sur le marché du travail. Enfin, comme l'expliquent Nonna Mayer et Pascal Perrineau, " la notion de rationalité est très relative ". Les déterminants sociaux n'excluent pas la rationalité. Il peut être tout à fait conforme aux intérêts des individus d'une catégorie socioprofessionnelle de changer de bord politique, s'il leur semble que les partis ou les candidats de l'autre bord défendent mieux leurs intérêts. C'est sur le type de rationalité que devrait porter la discussion, davantage que sur une hypothétique conversion.

(1) " Les élections législatives de 1988 ", éd. Le Figaro, études politiques, 1988.